Par pitié, regardez cette vidéo !
Publié par Mondes Sociaux, le 30 mai 2022 1.5k
Vidéo Avides de recherche par Tania Louis
En co-production avec le Quai des savoirs
En rhétorique, l’appel à la pitié est une stratégie émotionnelle de persuasion. Il sert généralement à convaincre qu’une situation donnée doit être changée. Il peut être fallacieux si les justifications pour passer à l’action sont mensongères, s’il y a une intention de manipulation ou si la ligne d’action finalement défendue n’est pas cohérente avec le problème dénoncé. Mais il peut aussi être tout à fait légitime.
Dans un article paru en 2020 dans Argumentation et Analyse du Discours, Marianne Doury, Professeure des Universités en sciences du langage, s’intéresse à l’appel à la pitié. La chercheuse identifie trois grandes catégories de critiques faites à l’appel à la pitié.
Cette stratégie peut être sincère mais inefficace, si elle conduit à chercher des solutions à court terme, à déresponsabiliser l’objet de la pitié ou à se détourner du message pour éviter la culpabilité. L’appel à la pitié peut être considéré comme problématique, car il efface les considérations rationnelles. Il crée également une forme d’obligation de ressentir, entraînant un potentiel jugement et s’avérant condescendant envers l’objet de la pitié. Enfin, son caractère manipulatoire est critiqué, car il amène à s’intéresser aux victimes plutôt qu’aux responsables et peut servir à se construire une image valorisante de personne pleine de compassion.
L’appel à la pitié est donc ambivalent : à la fois utile, notamment pour défendre des causes humanitaires et objet de critiques. Marianne Doury en propose quatre alternatives, avec lesquelles composer selon le contexte.
Dans le cadre privé, une logique de responsabilité peut être privilégiée, consistant à assumer ses actes et leurs conséquences, plutôt qu’à plaindre les personnes qui en souffrent. L’appel à la pitié peut également être remplacé par un appel à la solidarité. Les acteurs du monde de l’économie peuvent quant à eux jouer la carte des intérêts bien compris, qui revient à assumer leurs propres intérêts. Enfin, il est possible de se focaliser non pas sur l’objet de la pitié, mais sur le destinataire du message en faisant simplement appel à sa générosité.
Il n’est donc pas si simple de positionner une approche argumentative. En décortiquer les utilisations au lieu de la rejeter en bloc est aussi une manière d’exercer son esprit critique.