L’armée dans la ville
Publié par Mondes Sociaux, le 9 janvier 2023 600
Article par Emilie d'Orgeix et Nicolas Meynen
Si la reconversion de sites et de bâtiments militaires est aujourd’hui courante, rares sont les études sur les mécanismes et les procédures présidant aux changements de fonctions et de partages des espaces entre armée et population civile dans la ville aux époques moderne et contemporaine. Or, l’exploration croisée des interrelations constantes entre acteurs militaires et civils, grâce à la prise en compte des archives militaires, s’y révèle fructueuse et conduit à renouveler l’histoire urbaine.
Villes de garnison, villes-frontières, villes-arsenaux, ports de guerre, places fortes, villes soumises à double gouvernance…, il existe de nombreux centres urbains qui portent toujours aujourd’hui des traces de changements de fonction et d’usage civils et militaires, d’hybridations architecturales. Les toponymes mêmes, tel « La lieue », « La poudrière », « rue militaire » ou « rue sous les murs » sont révélateurs de l’appropriation des espaces par l’Armée. Ce sont autant de signes à interpréter pour saisir comment la présence de l’armée en ville a profondément modelé le tissu urbain dans sa triple dimension spatiale, sociale et temporelle.
A fleur de sol : composer, recomposer
La séparation entre sphères militaire et civile n’est pas hermétique dans la ville. Tous les acteurs urbains utilisent les ressources et les opportunités qui leur sont offertes dans une société qui expérimente en tout temps une économie de partages, chacun profitant d’espaces fonciers momentanément disponibles, de la restructuration de bâtiments ou de disponibilité temporaire des ouvrages militaires en temps de paix. La notion d’« espaces flexibles » [Flexible Spaces], utilisée en architecture contemporaine pour caractériser des réhabilitations partielles ou temporaires d’édifices, est dans ce cas pertinente dès l’époque moderne et au fur et à mesure de la densification urbaine. On peut également mentionner celle d’« espaces intermittents », qui définit des usages différenciés selon les saisons, les jours de la semaine ou même les heures. C’est le cas des exercices de tirs aux portes de la ville, comme on peut le voir sur la photographie de 1892 montrant le stand de tir de Saint-Omer. [...]
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