Contester Parcoursup. Figures de l’usager contestataire.
Publié par Mondes Sociaux, le 16 janvier 2025 39
Article d'Annabelle Allouch & Delphine Espagno-Abadie
La mise en œuvre de Parcoursup à partir de 2018 s’est accompagnée de la reconnaissance d’un droit au recours pour le candidat souhaitant contester les résultats de ses candidatures sur la plateforme.
Avec l’institutionnalisation de ce droit, on assiste à un glissement du rôle de l’étudiant qui passe d’administré passif à celui d’usager, désormais doté de droits, de devoirs mais aussi de responsabilités. Le recours permet également de contourner une plateforme algorithmique dont le traitement est jugé injuste et inhumain. Mais qui se saisit de ce droit et avec quels effets sur la politisation de l’accès dans le supérieur ?
La réforme des modes d’accès au diplôme depuis dix ans souligne le changement de nature de l’enseignement supérieur qui relève non plus d’un service public d’éducation mais d’un service délivrant un bien dans lequel les familles sont invitées à investir. Ces éléments ont contribué à modifier les relations entre usagers et institutions universitaires, dans un contexte de dématérialisation de l’accès dans le supérieur à partir de la fin des années 2000. L’institutionnalisation d’un droit au recours contre les résultats des plateformes incarne ces modifications. L’usager s’impose ainsi comme le régulateur des pratiques d’admissions. De ce fait, il affecte la gouvernance des universités, ce qui constitue une rupture dans la dissymétrie traditionnelle entre enseignants et étudiants à l’Université (à l’image du rapport entre médecins et patients), y compris après 1968. Mais comment les étudiants s’emparent-ils de ce droit et dans quelles conditions ? À partir d’une enquête au long cours sur les effets des réformes de l’accès dans l’enseignement supérieur sur les candidats et leurs familles, l’article présente trois figures idéal-typiques de contestation des usagers contre un jugement scolaire.
Le recours gracieux : l’arme des faibles.
Le premier type de recours possible dont peut s’emparer l’usager contre un jugement scolaire repose sur l’écriture d’un simple courrier ou email à l’adresse du responsable de la formation souhaitée, ou à celle du directeur d’établissement. Le recours grâcieux est très répandu, notamment parce qu’il est préalable au recours contentieux, mais également parce qu’il constitue de longue date l’un des répertoires d’action des syndicats étudiants comme l’UNEF. La lecture des guides de l’étudiant produits par le syndicat depuis les années 1980 souligne ainsi l’ancienneté de ce mode de contestation, bien avant Parcoursup. La standardisation de ce recours par son institutionnalisation par la loi Orientation et Réussite des Étudiants (ORE) en 2017 a néanmoins affecté les caractéristiques sociales et scolaires de l’usager le mobilisant, incarnées par la figure d’un « usager faible », c’est-à-dire un étudiant qui bénéficie d’une connaissance correcte de l’institution scolaire et de savoir-faire de recherche d’interlocuteurs, sans toutefois pouvoir s’appuyer ni sur un capital social qui lui permettrait de s’engager dans un recours plus sûr (par exemple en sollicitant une demande de médiation), ni sur un capital économique qui lui permettrait d’appuyer sa demande par la présence d’un avocat. Cet usage faible (peu d’investissement nécessaire à part la rédaction d’un courrier) explique sa large diffusion et son caractère moins socialement stratifié.
Toutefois, le recours gracieux est aussi le plus difficile à quantifier, faute d’un véritable travail de comptage systématique de la part de tous les établissements, à l’exception de ceux qui ont mis en œuvre, depuis les années 2020 des plateformes numériques de recours. Dans les autres formations, la quantification apparaît essentiellement déclarative, selon le sentiment et le calcul des responsables.
Sans surprise, les entretiens menés soulignent que ce type de recours concerne d’abord les filières en tension (médecine, psychologie, STAPS, droit), et l’accès en licence plutôt qu’en master.[...]
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Illustration d’Adèle Huguet pour Mondes Sociaux : licence CC BY-NC-ND
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