LE TEMPS DES ROBOTS EST-IL VENU ?
Publié par Claire Adélaïde Montiel, le 24 mars 2018 2.5k
de Jean-Philippe Braly avec Jean-Gabriel Ganascia, aux Editions Quae
En un temps où s’expriment de nombreuses interrogations et des peurs à propos de l’intelligence artificielle, où elle fait la une des journaux, où elle donne lieu à des numéros spéciaux des magazines les plus sérieux et à de nombreux ouvrages, ce livre écrit à quatre mains s’efforce de faire le point sur la place réelle des robots dans la société de XX° siècle. Un ouvrage conçu comme un outil de vulgarisation, facile d’accès, riche de nombreux exemples où les deux auteurs, Jean-Philippe Braly journaliste scientifique et Jean-Gabriel Ganascia, spécialiste en Intelligence artificielle et modélisation cognitive comparent la transformation actuelle de la société sous l’influence des robots à celle qui affecta l’Ancien Régime au moment de la Révolution française de 1789 et n’hésitent pas à employer le terme de « Robolution ». En effet, nous sommes loin de mesurer l’importance de la robotique dans nos vies. D’ores et déjà les robots sont partout autour de nous et nous rendent de multiples services même si, bien qu’ils soient en constante évolution, ils sont encore loin de supplanter les hommes.
UNE FASCINATION MILLENAIRE
Depuis la plus haute antiquité, les êtres humains ont été fascinés par des machines apparemment douées de vie : sculptures animées, automates ; êtres mécaniques contrefaisant le vivant comme le canard de Vaucanson qui, en 1739, barbotait, buvait et déféquait comme un vrai, ou les 119 automates de Lorenz Rosenegge qui sur un petit théâtre à leur mesure jouaient des scènes de la vie villageoise.
Entre notre époque et le milieu du XIX° siècle, époque où Georges Boole a posé le principe d’une base algébrique numérique n’acceptant que 2 valeurs, 0 et 1, les machine s n’ont cessé de progresser. Le terme robot né d’une pièce de théâtre tchèque, Robota signifiant travail forcé, désigne des machines capables de collecter des informations, de les analyser et d’adapter leurs réactions en conséquence. Des machines qui font désormais de plus en plus partie de notre quotidien.
ROBOTS AU QUOTIDIEN
Les robots industriels travaillent en usine depuis plus de 50 ans. Ils sont un million et demi sur la planète et leur nombre croît chaque année. Les robots ménagers apportent du confort dans la vie de tous les jours. Les robots de loisirs sont plus de l’ordre du gadget : chien Aibo, robots en briquette de plastique, robots ultra*réalistes de l’animatronique au cinéma, robots footballers de la Robocup qui se joue sur un minuscule terrain de foot. Les robots d’assistance viennent en appoint pour les soins à apporter aux personnes âgées, aux malades souffrant de diverses pathologies, aux enfants développant des maladies comportementales graves. Des robots hautement qualifiés occupent le terrain des emplois de bureau, du trading. Ils sont particulièrement présents dans le domaine de la santé où ils offrent des facilités pour explorer le corps, venir en appoint aux chirurgiens dans des opérations chirurgicales particulièrement délicates, ou suppléer des organes défaillants grâce au principe des exosquelettes. Les voitures autonomes donnent lieu à de nombreuses supputations quant à leur responsabilité en cas d’accident alors que depuis plusieurs années déjà on a vu fleurir des robots conducteurs autonomes de tram ou de métro ainsi que des robots conducteurs de camions dans les gigantesques mines canadiennes ou australiennes. D’autre part, les robots sont déjà plus efficaces que les hommes dans de nombreux secteurs et notamment sur le terrain des catastrophes ainsi que partout où les conditions s’avèrent dangereuses : robots sauveteurs capables d’aller chercher les victime sous les décombres, robots pompiers supportant des températures extrêmes, robots en action dans les zones radioactives, les champs de mine, l’espace .
DES QUESTIONS NON RESOLUES
Qu’en sera-t-il demain ? Telle est la question qui se pose au fil de la lecture. Les robots supplanteront -ils les hommes sur le marché du travail ? Cela ne semble pas une menace immédiate. Les deux auteurs explorent les compétences nécessaires pour fabriquer des robots et en concluent que nous sommes loin du moment où leur présence dans le monde du travail diminuera l’emploi pour les êtres humains. Pour la conception de robots en effet, de nombreuses compétences interdisciplinaires sont requises : automatique, électronique, informatique, mécanique mais aussi, en sciences humaines et sociales, la psychologie, la linguistique et les sciences cognitives.
Mais bien d’autres questions se posent. Que deviendra la confidentialité sans une société où les robots compagnons accèderont à toutes les informations de leurs employeurs ? Existe-t-il un risque de désagrégation des liens entre les humains, ou du moins d’appauvrissement des relations, dès lors que des machines plus dociles et moins exigeantes en terme d’échanges prendront la place de la relation aux autres. Comment fera-t-on face aux problèmes de sécurité qui, à plus ou moins longue échéance, ne manqueront pas de se poser ? piratages, utilisation des robots à des fins autoritaires ou terroristes... Il n’y a pas de risque zéro.
Les auteurs ne font pas d’impasse sur ces questions pas plus que sur celles que suscite l’évolution actuelle vers l’Intelligence Artificielle . Les questions d’éthique, celle des hommes robotisés et des robots conscients éventuellement capables, dans l'avenir plus ou moins proche, de supplanter les humains sont également abordées mais les auteurs ne cachent pas qu’ils y voient un mythe plus qu’une menace réelle. « Rappelons qu’aujourd’hui une intelligence artificielle capable de décider d’elle-même et de se retourner contre l’homme est encore de l’ordre du fantasme complet »
Quant à leur conclusion, elle est plutôt encourageante. Certes « Après la révolution numérique engagée à la fin du XX° siècle, le XXI° pourrait bien être celui de la révolution robotique » mais il ne sont pas d’avis qu’il faille le craindre car « au final, comme toute technologie, la robotique pourra donner le meilleur ou le pire. Tout dépendra ce de que nous autres les humains en ferons »