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LE COIN LECTURE

LA GUERRE DES INTELLIGENCES

Publié par Claire Adélaïde Montiel, le 15 janvier 2018   4.1k

Un livre de Laurent ALEXANDRE, éditions J.C. Lattès (Source image : ©USIEvents) 

Un livre dérangeant qui pose plus de problèmes qu’il n’en résout. Le titre : La guerre des intelligences et le sous-titre : Intelligence Artificielle versus Intelligence Humaine donnent le ton. Le médiatique chirurgien Laurent Alexandre évoque les grandes peurs qui agitent les hommes depuis qu’ils ont accès à la conscience : la volonté de dominer la nature, d’éliminer le hasard et surtout de vaincre la mort. Ce sont ces lancinantes questions qui ont lancé les êtres humains dans une sorte de course en avant. Depuis les découvertes d’Alan Turing en 1940 et jusqu’à notre époque, la science court à bride abattue. Vers quel avenir ? c’est ce à quoi l’auteur s’efforce de réfléchir dans cet ouvrage.

Du robot à l’Intelligence artificielle

L’image classique du robot est aujourd’hui dépassée. Depuis 2012, on parle d’intelligence artificielle, (’IA). Les machines qui sont entrées dans l’ère du « deep learning », l’apprentissage profond, s’améliorent en continu grâce à leurs immenses capacités d’apprentissage. Pour la première fois, l’automatisation des tâches intellectuelles est possible. Des ordinateurs de plus en plus puissants sont désormais capables d’intégrer des milliards de données, la progression est vertigineuse. Faut-il craindre cette évolution ? Telle est la question posée.

La réponse apportée par l’auteur est sans équivoque. Le danger est réel, l’humanité ne peut déjà plus revenir en arrière et refuser l’évolution actuelle. Des robots sont désormais capables de vaincre les hommes aux échecs ou au jeu de go. Ils ne se contentent plus d’imiter, ils peuvent maintenant créer des œuvres musicales à la manière de Beethoven et des plus grands musiciens. On n’exclue pas la possibilité qu’ils soient, dans un futur proche, en mesure de créer leurs propres œuvres. Ceci peut paraître anecdotique quand on sait que la Chine et les Etats-Unis développent des programmes de recherches visant à favoriser une toujours plus grande autonomie des robots. La voiture sans chauffeur n’est pas pour demain, des essais concluants nous persuadent qu’elle est déjà pratiquement fonctionnelle. En 2017, l’ordinateur le plus puissant de la planète créé par les Japonais réalise 93 milliards d’opérations par seconde, une rapidité dont aucun être humain, aussi doué soit-il, est à jamais incapable. « Capable d’analyser à des vitesses vertigineuses des montagnes de données, l’IA peut remplacer des ingénieurs, des médecins dans les disciplines les plus pointues ». Quant à la société Eurolink créée par Elon Musk, l’un des géants de l’informatique, elle a mis en place les conditions pour connecter les cerveaux humains à des machines afin de lutter contre les maladies dégénératives du cerveau (Alzheimer, Parkinson)

Faut-il pour autant souscrire au grand rêve transhumaniste qui se fixe 5 objectifs ? La mort de la mort, l’augmentation des capacités humaines, la fabrication de l’Intelligence artificielle, la création de la vie en éprouvettes et la colonisation du cosmos ?  Faut-il abandonner les décisions aux grandes sociétés américaine et chinoise qui développent déjà, à grand coups de milliards, des programmes de recherche pour contrôler l’IA ?


Créer les conditions d’une société apprenante

Les machines, affirme Laurent Alexandre, peuvent nous aider à dépasser nos limites intellectuelles comme elles nous ont, dans le passé, permis de nous affranchir de nos limites physiques, mais il faudra combattre la désynchronisation entre nos institutions politiques, notre enseignement, et la technologie qui avance à un rythme beaucoup plus soutenu.

Le processus législatif est une machine lourde, le temps humain est d’ores et déjà en décalage avec le temps de la machine.   « Produire un cerveau humain prend un temps infini… pour dupliquer une IA quelques secondes suffisent » Même si l’on trouve excessive cette formulation lapidaire, le sujet mérite réflexion. Au XIXe, l’efficacité des machines doublait tous les 50 ans. Depuis l’informatique, le rythme s’est accéléré d’une manière prodigieuse. L’homme d’aujourd’hui aura à s’adapter à cette nouvelle temporalité s’il ne veut pas être complétement dépassé

Pour lutter contre ce danger, ce que propose l’auteur, c’est une transformation radicale de l’éducation et de la formation. L’utilisation des neurosciences pour la transmission du savoir n’appartient pas, selon lui, à la science-fiction. Il préconise une transformation radicale de l’école. Revoir en profondeur l’éducation, créer une société apprenante, intégrer les neurosciences et ce, dès la petite enfance, période où la plasticité du cerveau est optimale, faire dans l’école une large place à l’expérimentation et offrir à tous la possibilité de se former durant toute la vie, telles sont les préconisations pour une transformation radicale de l’enseignement.

L’aventure humaine ne fait que commencer

Malgré des progrès considérables depuis les dernières décennies, le cerveau humain et son fonctionnement sont encore aujourd’hui mal connus. « Qu’il s’agisse de le comprendre, de le contrôler, de l’augmenter, de le modifier ou de l’utiliser, le cerveau biologique est devenu le principal champ de bataille du ce siècle.» Laurent Alexandre préconise un débat public sur l’intelligence associant scientifique, expertes, citoyens, enseignants, chercheurs, associations et acteurs économique

 « Nous vivons une époque formidable et enthousiasmante » écrit il, « avec les nouvelles technologies, le champ des possibles s’est élargi comme jamais auparavant dans l’humanité ». A condition cependant que les êtres humains soient capables de se donner les moyens de réfléchir au lieu d’avancer tête baissée pour conquérir le pouvoir avant les autres nations engagées dans la même course.

Aujourd’hui on peut imaginer pour une cohabitations des humains avec l’IA toutes sortes de scénarios, des plus rassurants aux plus alarmistes : IA prédatrice à notre image , IA indéchiffrable pour nous, IA à notre botte ou bien indifférente à ce que nous sommes ; IA manipulatrice ou fusionnée avec les humains et bien d‘autres scénarios encore qui ne sont que des projections pour l’avenir de notre présent fantasmé mais une chose est sûre, c’est que « que le monde d’aujourd’hui va, d’une façon ou d’une autre, disparaître. Tous les équilibres seront bouleversés »

Avant même que le remplacement des hommes par les robots dans le monde du travail soit effectif, les humains ont à se poser mais ils posent une série de questions : Quels ont les enjeux éthiques ? Dès lors que les machine seront devenues autonomes, à qui appartiendront les décisions ? Que deviendra notre monde quand le hasard et la mort auront été éradiqués, si toutefois cette situation que les hommes en bons apprentis sorciers sont en train de provoquer, advient comme on nous l’annonce, vers le milieu du XXIe siècle.

La deuxième idée développée en conclusion par Laurent Alexandre est que « nous aurons l’IA que nous méritons » Et la troisième : « A l’heure où nos aptitudes les plus précieuses sont en passe d’être imitées par des machines, il est plus que jamais urgent de réfléchir aux mécanismes réels de notre psyché mais aussi à ce qui fait notre humanité »