Vers une approche intégrée pour rendre durable la consommation de viande
Publié par IRD Occitanie, le 30 novembre 2022 630
Comment rendre nos systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l’environnement ? Aux côtés d’institutions allemandes, hollandaises, suédoises et suisses, des scientifiques de l’IRD (SENS et MoISA) proposent un canevas conceptuel pour aller dans le bon sens.
Ne laisser personne de côté, c’est l’ambition affichée par le Pacte vert pour l’Europe. L’une des méthodes pour y parvenir s’appuie sur le concept des « corridors de consommation durable ».
Une réforme des systèmes alimentaires qui néglige la justice environnementale
Pour approcher la neutralité carbone, la Commission Européenne a lancé en 2019 un Pacte vert « visant à transformer l'UE en une société juste, saine, durable et prospère ». Déclinée dans la stratégie « Farm to fork », la réforme des systèmes alimentaires est au cœur de cet engagement, alors que la chaîne alimentaire pèse au niveau mondial pour un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Mais les contraintes proposées par cette stratégie visent essentiellement la production. « Le risque est que, pour continuer à satisfaire la demande européenne, une partie de cette production soit déplacée ailleurs dans le monde, avec les dommages environnementaux qui y sont associés. », précise Miriam Cué Rio, économiste à SENS. « La mise en œuvre du Pacte vert nécessite une politique cohérente des systèmes alimentaires qui implique également de modifier en profondeur les régimes alimentaires. », rajoute-elle. Parmi les voies pour y parvenir, réduire la consommation de viande apparait incontournable au vu des multiples impacts de cette filière. Mais pas question de faire peser cette nécessaire évolution sur les seules épaules du consommateur ni d’occulter les interdépendances entre l’Europe et le reste du monde. Afin d’éclairer la gouvernance sur les moyens de rendre durable la consommation carnée, les scientifiques proposent « une définition holistique conçue pour garantir que les priorités en matière de durabilité ne sont pas négligées et pour tenir compte de toutes les émissions associées à la consommation de l'UE, quel que soit le lieu de production ». Leur contribution est publiée dans Sustainability Science.
Consommation de viande dans le collimateur
Les Européens sont parmi les plus grands mangeurs de viande au monde: 68 kg/ personne en 2020, soit plus du double de la moyenne mondiale. Pour dépasser les exhortations trop génériques et inefficaces (ex. manger « moins de viande ») et les recommandations à géométrie variable d’un pays à l’autre, les auteurs ont conçu une approche intégrée qui englobe tous les paramètres de la durabilité liés à la viande (environnement, santé humaine, éthique animale, économie, bien-être social) et qui tient compte du contexte spécifique de l’UE. « Partant du concept de corridors de consommation, notre article présente un canevas conceptuel qui serait à même d’aboutir à une définition plus holistique et harmonisée de ce que serait une consommation durable de viande dans l’UE. », ajoute Eric Verger, nutritionniste à MoISA.
Corridors de consommation pour répondre aux défis de la durabilité
Un corridor de consommation est l'espace entre un niveau de consommation minimum (le plancher) et maximum (le plafond) qui permet à chacun de satisfaire ses besoins sans compromettre la capacité des autres à satisfaire les leurs, tout cela dans les limites de notre planète. Pour simplifier, le plancher est défini par le bien-être humain tandis que le plafond fait appel aux données écologiques. Entre ces deux limites, chacun peut faire ses choix de consommation librement. La feuille de route proposée par les auteurs souscrit à un certain nombre de conditions ou prérequis qui contribuent à l’originalité du modèle : allier sciences naturelles et sociales, promouvoir la participation publique, intégrer l’impact de la (sur)consommation européenne dans le reste du monde, etc. « Nous ne proposons pas LA solution puisque celle-ci doit émaner de nos interactions avec les acteurs du système alimentaire, précise Jean-Christophe Castella, expert en démarches participatives à SENS, mais la méthode pour définir plafond et plancher en identifiant un certain nombre de compromis inévitables. » Ces derniers doivent ensuite être soumis à une délibération collective soutenue par des méthodes d’accompagnement multi-acteurs. Les changements ne surviendront que si tout le monde y est associé, y compris dans les choix des politiques publiques destinées à amener les niveaux de consommation vers les cibles proposées par le corridor. « Si, en tant qu'individus ou en tant que société, nous choisissons de manger de la viande, nous devons le faire avec la vision la plus claire des coûts et bénéfices de notre décision en utilisant un cadre qui articule une vision holistique de la durabilité. », concluent les auteurs.
Publication : Cué Rio, M., Bovenkerk, B., Castella, JC., Fischer, D., Fuchs, R., Kanerva, M., Rounsevell, M., Salliou, N., Verger, E., Röös, E. 2022. The elephant in the room is really a cow: using consumption corridors to define sustainable meat consumption in the European Union. Sustainability Science. https://doi.org/10.1007/s11625-022-01235-7
Contact science : Miriam Cué Rio, IRD, UMR SENS MIRIAM.CUE-RIO@IRD.FR
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Cet article a été écrit dans le cadre du projet Planet@liment.
Planet@liment : médiation interactive autour de l’alimentation durable
Source de l'article : Vers une approche intégrée pour rendre durable la consommation de viande