Lutter contre la déforestation en rétribuant les propriétaires fonciers qui acceptent de conserver leurs parcelles boisées est l’une des stratégies utilisées par les programme de conservation dans les pays du Sud. Encore faut-il avoir un outil fiable de suivi du devenir de ces parcelles. Des scientifiques de l’UMR ESPACE-DEV ont testé avec succès l’application d’un algorithme aux données des satellites Sentinel-1 pour le Brésil.

Un algorithme appliqué aux données satellitaires procure rapidement des informations très précises, cela change la donne pour le suivi des programmes de conservation au Brésil.

Lutter contre la déforestation, un enjeu majeur

Conserver la biodiversité, capter du carbone, atténuer le changement climatique, préserver les services écosystémiques, assurer le bien-être des populations autochtones, à tout cela et bien plus encore, la forêt tropicale humide contribue. A condition de ne pas réduire ses surfaces exagérément. Les programmes de conservation encouragent les pratiques durables qui contribuent à la préservation des écosystèmes et de leurs ressources. Une des stratégies consiste à offrir des paiements pour services environnementaux (PSE) aux propriétaires fonciers qui acceptent de conserver leurs forêts au lieu de vendre leur bois ou de transformer leurs parcelles en agriculture ou pâturage. Certains auteurs ont montré la contribution majeure des petits exploitants à la dynamique de la déforestation. En Amazonie, ceux-ci détenaient 24 % et leurs parcelles de moins de 100 hectares représentaient 12 % de la déforestation totale (chiffres de 2012). Les projets REDD+, mécanisme de réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts, visent donc ces petits exploitants. 

Cibler les petits exploitants amazoniens

« Nous avons mis en œuvre un programme de conservation dans l'État d'Acre, au Brésil, en proposant des contrats PSE à 459 petits exploitants sur une période d'un an qui compensaient tous financièrement la préservation de la surface forestière sur leurs champs », détaille Thibault Catry, spécialiste du traitement des données spatiales. L'objectif était de surveiller l'état des forêts avec une précision maximale et un délai minimal, afin d'évaluer l'impact du programme sur la conservation des forêts. Cette précision est cruciale car les parcelles faussement détectées comme zones déforestées pouvaient entraîner des sanctions financières injustes. La méthode classique de suivi de déforestation étant peu adaptée dans ce contexte, les scientifiques choisissent de tester les performances d’un algorithme - CuSum - capable de détecter des changements sur des images satellites. CuSum a été appliqué à des données générées par la mission Sentinel-1 dont les images ont une précision de 10 m et une régularité de 12 jours. La surface couverte par les images radar comprenait les parcelles du programme PES (26 000 ha) et une zone plus large englobant la première (150 000 ha).

Un algorithme simple et efficace

La cartographie réalisée permet de dépister les événements de déforestation avec une résolution minimale de 0,1 ha, ce qui maximise la détection des vrais positifs et minimise les faux positifs. « La précision de détection remarquable - de 87,3 % à 96,1 % - combinée à la vitesse d’exécution élevée de l'algorithme CuSum le rendent adapté à la mise en œuvre d'un programme de conservation », se réjouit Benjamin Pillot, autre co-auteur de l’étude. CuSum ne nécessite pas plusieurs ensembles de données différents comme d’autres produits similaires, et en matière de précision, il se situe devant ou au même niveau que 6 produits de suivi de déforestation conventionnels. Ces résultats¹, publiés dans la revue Remote Sensing Applications : Society and Environment, démontrent que grâce à ce traitement par l’algorithme CuSum, les séries temporelles Sentinel-1 peuvent améliorer la mise en œuvre des programmes de conservation au Brésil. Cette méthode ouvre des perspectives en matière d'évaluation de l’ampleur de la déforestation future, contribuant ainsi au développement de stratégies efficaces de surveillance dans le cadre de l’atténuation du changement climatique.

Note 1 : travail réalisé dans le cadre du projet Forest 4 Food (F4F) financé par l'I-Site MUSE de l'Université de Montpellier

Publication : Pfefer A., Ygorra B., Frappart F., Demarchi G., Pillot B., Subervie J., Wigneron J. P., Catry T. 2024. How Sentinel-1 timeseries can improve the implementation of conservation programs in Brazil. Remote Sensing Applications : Society and Environment, 35, 101241 [12 p.] https://doi.org/10.1016/j.rsase.2024.101241

Contacts Science : Thibault Catry, IRD, UMR ESPACE-DEV thibault.catry@ird.fr 

Benjamin Pillot, IRD, UMR ESPACE-DEV benjamin.pillot@ird.f

Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr

Source : https://www.ird.fr/un-algorith...