Sur les traces d’un astéroïde au Sahara
Publié par IRD Occitanie, le 16 octobre 2024 160
Des centaines de milliers de petits astéroïdes entrent fréquemment en collision avec la Terre et représentent une menace sérieuse pour les zones habitées. Des géologues de l’UMR GET et de ses centres de recherche partenaires ont exploré les conséquences de ce type d’impacts à travers une nouvelle étude du cratère Aouelloul en Mauritanie. Ces résultats sont publiés dans le Journal of African Earth Sciences.
Le cratère Aouelloul est un précieux témoin de l’impact d’un astéroïde. Encore préservé malgré l’eau et le vent, il permet d’observer les conséquences réelles de ces impacts dans le milieu naturel et ainsi de se préparer aux risques de futures collisions.
Des collisions dont les traces sont rapidement effacées
Depuis quelques décennies, l’humanité cherche à se défendre contre les impacts d’astéroïdes. La mission DART de la NASA1 a marqué un tournant historique dans cette discipline, appelée « défense planétaire », en réussissant pour la première fois à dévier un astéroïde de 160 m de diamètre de sa trajectoire. Des objets de cette dimension percutent parfois la Terre et représentent une menace locale ou régionale. Les cratères laissés par ces collisions sont cependant rapidement érodés. Formé il y a environ 3 millions d’années en Mauritanie, le cratère Aouelloul est classé dans les petits cratères du fait de ses 400 m de diamètre. Le climat du Sahara, actuellement aride, explique son excellent degré de préservation. Il permet d’observer les dégâts causés par ces petits cataclysmes cosmiques et de valider les simulations numériques utilisées pour se préparer au risque d’impact. Mentionné en 1938 lors d’un survol en avion, il était déjà connu des populations locales sous l’appellation d’Hofrath Aouelloul2. Théodore Monod s’est rendu sur le cratère au début des années 1950 mais n’avait pas apporté une conclusion définitive quant à son origine météoritique.
Nouvelles investigations pluridisciplinaires
« L’origine météoritique du cratère a été véritablement confirmée en 1966 par la présence de composants extraterrestres dans les échantillons de verre trouvés autour de la formation », raconte David Baratoux, géologue à l’IRD (UMR GET) qui a contribué aux nouvelles investigations avec ses partenaires3.Ceux-ci résultent de la fusion des sables siliceux et des grès par la chaleur produite au moment de la rencontre violente entre l’astéroïde et la Terre. L’énergie libérée est si forte que la roche peut être fondue et même vaporisée en même temps que l’astéroïde. Le cratère Aouelloul a été peu étudié mais l’IRD, au travers de l’Initiative Africaine pour les Sciences des Planètes et de l’Espace, la Fondation ATTARIK au Maroc et le Fond Barringer pour la recherche sur les impacts de météorites soutiennent une nouvelle exploration sur le terrain en 2019, avec le soutien de l’Agence Nationale de Recherches Géologiques et du Patrimoine Minier. Son objectif était de cartographier les traces laissées par la chute de l’astéroïde à l’échelle macroscopique et dans les minéraux. « Les cratères d’impacts peuvent générer un métamorphisme dit de choc qui engendre des transformations spécifiques dans les minéraux qui ne se retrouvent dans aucun autre contexte naturel », explique Hasnaa Chennaoui de l’Université Hassan II de Casablanca.
Le défi représenté par l’origine des petits cratères
Des investigations réalisées sur des échantillons collectés au bord du cratère montrent que des déformations se sont produites mais sans pour autant révéler de trace de métamorphisme de choc. « Le métamorphisme de choc dans les petits cratères est difficile à mettre en évidence, les roches ou minéraux choqués sont peu fréquents et potentiellement enfouis au centre du cratère sous le sable », ajoute Ely Cheikh Ould Mohamed Navee, devenu le premier chercheur mauritanien titulaire d’un doctorat sur les cratères d’impact. Cependant, le rempart est fracturé et les blocs qui le constituent ont subi une rotation lors de l’impact. Une cartographie systématique des fractures et de ces perturbations a été réalisée. « De nouvelles observations sur la distribution du verre d’impact montrent que celui-ci est localisé exclusivement dans les parties extérieures sud et est du cratère, ce qui nous autorise à déterminer d’où venait l’astéroïde, le verre étant aligné parallèlement à la direction oblique de l’impact », s’enthousiasme David Baratoux. Participer aux programmes NASA ou ESA d’exploration spatiale n’est pas souvent à la portée de pays du Sud. Les cratères d’impact présents dans le désert du Sahara ou dans les terrains anciens de l’Afrique offrent à la communauté de planétologues africains de nombreuses opportunités de contribuer à ces aventures scientifiques.
Notes :
- https://science.nasa.gov/mission/dart/
- Le trou d’Aouelloul, en arabe
- Université Hassan II de Casablanca (MAROC), Université Al-asriya de Nouakchott (Mauritanie), Museum d’histoire naturelle de Vienne (Autriche)
Publication : Navee E. O. M., Aoudjehane H. C., Baratoux D., Ferrière L., Sabar M. S. O., Mhamdi H.S. 2024. Aouelloul impact crater, Mauritania : new structural, lithological, and petrographic data. Journal of African Earth Sciences, 214, 105210 [12 p.] https://doi.org/10.1016/j.jafrearsci.2024.105210
Contacts science : David Baratoux, IRD, UMR GET David.baratoux@ird.fr
Hasnaa Chennaoui-Aoudjhane, Université Hassan II de Casablanca, Présidente de la Fondation ATTARIK attarikfoundation@gmail.com
Ely Cheikh Ould Mohamed Navee, Université Hassan II de Casablanca, Président et fondateur de l’Association mauritanienne pour l’astronomie elycheikhnaviee@gmail.com
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr
Source : https://www.ird.fr/sur-les-tra...