Premier catalogue des arbres de Guyane : 1800 espèces au compteur
Publié par IRD Occitanie, le 4 avril 2023 710
Publié chez Adansonia juste avant le One Forest Summit qui s’est tenu au Gabon tout début mars, le premier catalogue recensant toutes les espèces d'arbres de Guyane affiche la particularité de livrer leurs noms vernaculaires en 9 langues parlées dans ce département d’outre-mer. Ce travail de longue haleine était porté par des scientifiques de l’UMR AMAP.
Connaître la biodiversité est le premier pas pour la préserver. Héritiers des explorateurs naturalistes des XVIIIe et XIXe siècles, botanistes et écologues ont arpenté la forêt guyanaise et fait appel aux herbiers du monde entier pour réaliser cet inventaire complet.
L’aboutissement de plus de 40 ans d’inventaires
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1811 taxons, 87 familles, 421 genres, 1793 espèces, 4354 noms vernaculaires en 9 langues, des milliers de spécimens étudiés dans plus de 20 herbiers. « C’est un travail de bénédictin qui s'appuie sur la longue histoire de la floristique guyanaise depuis 1775 avec Jean Baptiste Christophe Fusée-Aublet, mais qui a vraiment démarré il y a 40 ans avec le programme d'inventaires d'arbres lancé par Marie-Françoise Prévost et Daniel Sabatier (AMAP), et les travaux d'ethnobotanique de Françoise et Pierre Grenand depuis les années 1970 », retrace Jean-François Molino, botaniste et écologue qui a porté le « bébé » de 561 pages jusqu’à terme. Même si, de son propre aveu, cet énorme catalogue n'est en réalité qu'un "sous-produit" des travaux d’écologie forestière et d’ethnobotanique, il était impensable de perdre cette expertise de terrain au fur et à mesure que les scientifiques prennent leur retraite. « Cette activité d'inventaire et d'identification des arbres nous a amené à travailler sur les spécimens d'herbier, sur la bibliographie systématique, à échanger avec des spécialistes de différents groupes, et parfois à faire nous-mêmes de la systématique », poursuit le chercheur. L’expertise cumulée des différents collègues leur a permis de sélectionner les espèces et de produire les données démographiques.
Une grande place accordée aux langues autochtones
Kahambag, mope, mombin ou taperebá, tous ces mots venus de différentes langues désignent une même plante, Spondias mombin L. Cet arbre fruitier de la famille des Anacardiaceae a été domestiqué par les Amérindiens précolombiens. Grâce aux listes exhaustives issues du travail au long cours de quatre ethnobotanistes avec différents groupes ethniques, 1157 espèces sont aussi désignées dans le catalogue par tous leurs noms dans les 9 langues les plus parlées en Guyane française. Ces 4354 noms vernaculaires apportent une forte plus-value au catalogue, d'autant que les ethnobotanistes ont l'habitude de faire des restitutions auprès des communautés avec lesquelles ils travaillent. Un juste retour des choses quand on sait que les taxinomistes donnent rarement des noms liés aux populations autochtones lorsqu’ils décrivent de nouvelles espèces. « Par contre, Aublet a donné beaucoup de noms amérindiens, ou honorant des ethnies amérindiennes, aux genres et aux espèces qu'il a décrits, au grand dam de ses contemporains ne jurant que par le latin et le grec ! », souligne Jean-François Molino. Par exemple, le genre Palicourea fait référence aux indiens Palikur.
Surprises taxonomiques et nouvelles espèces
Pour pallier l'absence de systématiciens pour certains genres ou familles, les chercheurs ont dû faire eux-mêmes le travail de classement des espèces. C'est ainsi que, peu avant la parution du catalogue, ils ont décrit deux nouvelles espèces du genre Tovomita. Mais le catalogue inclut toujours 143 espèces non nommées, qui sont soit des espèces déjà décrites mais non encore répertoriées en Guyane, soit des taxons nouveaux pour la science. Autre surprise, la plasticité morphologique de certaines espèces en fonction du contexte. « Je connaissais très bien Tapura guianensis une espèce assez commune sur la station de recherche de Paracou dans le Nord de la Guyane, raconte le chercheur. Tous les spécimens de l’herbier CAY indiquaient que c'était un petit arbrisseau d'1 à 2 m maximum de haut. Or, lors d’un inventaire dans le Sud, nous sommes tombés sur un individu qui était un vrai arbre de plusieurs mètres de haut avec un tronc de 22 cm de dbh. » Autre exemple, selon les individus, Cheiloclinium cognatum peut être un arbre ou une liane ligneuse de plus de 20 cm de dbh. On comprend mieux pourquoi il n’y a toujours pas de définition consensuelle de l'arbre basée sur des critères objectifs, alors qu’un enfant de 5 ans sait très bien en dessiner un.
Publication : Molino, J.-F., Sabatier, D., Grenand, P., Engel, J., Frame, D., Delprete, P.G., Fleury, M., Odonne, G., Davy, D., Lucas, E.J., and Martin, C.A., 2022. An annotated checklist of the tree species of French Guiana, including vernacular nomenclature. Adansonia, 44(26), 345–903. http://adansonia.com/44/26
Contact science : Jean-François Molino, IRD, AMAP JEAN-FRANCOIS.MOLINO@IRD.FR
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR