Précieux caféiers malgaches tolérants à la sécheresse
Publié par IRD Occitanie, le 11 février 2022 1.1k
La réduction annoncée des surfaces cultivables pour cause de réchauffement global inquiète les caféiculteurs. Les caféiers sont en majorité peu adaptés à de fortes insolations et températures… sauf quelques espèces sauvages malgaches. Une équipe franco-malgache, dont des chercheurs des unités DIADE et AMAP et de l’université de Mahajanga, pointe les caractéristiques qui rendent possible cette prouesse.
Comment faire face à la montée inéluctable des températures tout en continuant à produire du café ? La solution viendra sans doute d’espèces endémiques de Madagascar, encore faut-il les protéger.
Coffea ambongensis, © IRD - Rickarlos Bezandry
A la découverte de caféiers très spéciaux
De fait, les espèces de caféiers du groupe Baracoffea1 qui intéressent les scientifiques cumulent les particularités. « Les trois espèces2 inventoriées sur deux sites d’étude au Nord-Ouest de Madagascar poussent en forêt sèche, sur des sables blancs ayant une faible capacité de rétention d’eau, et perdent leurs feuilles à la saison sèche alors que la grande majorité des Coffea sont à feuilles persistantes », avance Romain Guyot, généticien à DIADE et co-auteur de l’étude. Récemment, sur la base sur la base de leurs caractères exceptionnels, notamment leurs feuilles caduques, les taxonomistes ont classé les caféiers du groupe Baracoffea à part sous le terme informel d’alliance des Baracoffea. Cette alliance est représentée par seulement 9 espèces sauvages endémiques de l’Ouest de Madagascar, toutes à feuilles caduques et très adaptées à un climat chaud et aride. Il faut rappeler que le café que nous consommons est produit par deux espèces cultivées originaires d’Afrique : Coffea arabica (Arabica) et C. canephora (Robusta). Ces arbustes sont sensibles à trop d’insolation ou d’écarts de températures, leur optimum étant 18-21 degrés. Avec le changement climatique qui va impacter les zones cultivables, les producteurs de café ont du souci à se faire d’autant que les consommateurs sont de plus en plus nombreux.
Coffea boinensis, © IRD - Rickarlos Bezandry
Une architecture adaptée à la sécheresse
Pour supporter des conditions environnementales défavorables, les plantes ont recours à diverses adaptations. Les chercheurs ont donc cherché à cerner les bases de la tolérance des Baracoffea xérophytiques vivant dans un climat semi-aride. Ils se sont intéressés à leur architecture qui repose sur le mode de croissance, le mode de ramification, la différenciation morphologique et la position des organes reproducteurs. « Leur mode de croissance est totalement différent des autres caféiers qui ont une croissance continue, révèle Rickarlos Bezandry, doctorant de l’Université de Mahajanga et premier auteur de l'étude. A l’opposé, les Baracoffea ont une croissance rythmique qui limite l’émission d’organes végétatifs pendant la saison sèche et leurs fleurs sont positionnées en partie terminale de rameaux courts ce qui représente une innovation encore mal comprise ». De plus, une meilleure connaissance de la variabilité interspécifique des trois espèces étudiées apporte l’espoir de les utiliser à différentes altitudes et ainsi de mieux répondre au défi posé par le réchauffement global. Cerise3 sur le gâteau : Coffea ambongensis et Coffea boinensis ont les plus gros grains de café au monde, plus de deux fois la taille des grains d’Arabica !
Graines de Coffea ambongensis, © IRD - Rickarlos Bezandry
Préserver cette ressource pour une caféiculture durable
Ayant démontré les avantages que représentent ces espèces méconnues de caféiers sauvages, les auteurs de la publication plaident pour la sauvegarde des Baracoffea. En effet, endémiques d’un seul coin de notre planète, ces caféiers sont déjà impactés par la fragmentation voire la disparition des forêts de la grande île. D’ailleurs, 75 % des espèces de caféiers malgaches sont classés par l’UICN comme vulnérables ou en danger d’extinction. En outre, les Baracoffea sont absents de la seule collection vivante de caféiers malgaches à Kianjavato. Il est donc urgent de préserver cette ressource génétique à la fois en tant que biodiversité comme pour ses potentialités agronomiques.
1 Café du pays des Baras, peuple des plateaux du centre-sud de Madagascar.
2 Coffea boinensis, C.bissetiae et C.ambongensis.
3 Le fruit du caféier s'appelle une cerise.
Publication : Bezandry, R and Vavitsara, M.-E. 2020. Étude architecturale des caféiers sauvages endémiques: De la côte ouest de Madagascar : sous-genre Baracoffea, espèce Coffea grevei A.P. Davis & Rakotonas. sbsp. mahajangensis.
Aller plus loin :
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Contact science : Romain Guyot, IRD, UMR DIADE ROMAIN.GUYOT@IRD.FR
Rickarlos Bezandry, Université de Mahajanga RICHARLOS@HOTMAIL.FR
Contact communication: Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/precieux-ca...