Mâle ou femelle ? Une décision essentielle à la transmission du paludisme
Publié par IRD Occitanie, le 3 janvier 2023 900
Une équipe anglo-française menée par des scientifiques de MIVEGEC a décrypté une partie essentielle du mécanisme conduisant le parasite Plasmodium falciparum - agent du paludisme chez les humains - à devenir femelle ou mâle. Cette avancée, publiée dans Nature, pourrait ouvrir la voie à de nouveaux outils de lutte.
Quand on veut lutter efficacement contre un agent pathogène, il faut bien le connaître. Pour le parasite responsable du paludisme, un point clé – lié au déterminisme du sexe – vient d’être mis au jour.
Pas de forme sexuée, pas de transmission !
Avec quatre autres espèces, le parasite Plasmodium falciparum cause dans le monde des millions de cas de paludisme par an. Si l’Homme est l’hôte principal du pathogène, ce dernier profite des piqures de moustiques pour se propager d’un humain à l’autre. Le locataire indésirable a un cycle de vie complexe, en relation avec ses deux hôtes successifs. Proliférant dans sa forme asexuée dans les globules rouges (érythrocytes), il doit se transformer en forme sexuée (gamétocyte) afin d’être prêt pour la transmission au moustique femelle quand celle-ci pique lors de son repas de sang. Il s’agit donc d’un instant décisif. Mais comment se fait le choix de se transformer en gamétocyte femelle ou mâle ? Cette question est longtemps restée sans réponse. « Nos travaux de 2021 nous ont mis la puce à l’oreille en identifiant certains gènes dont md1 comme candidats potentiellement impliqués dans le déterminisme du sexe chez Plasmodium berghei qui infecte les souris », livre Arthur Talman, parasitologiste à MIVEGEC et dernier auteur de la publication dans Nature. Mais le mécanisme restait inconnu.
Un mécanisme non génétique de détermination du sexe
Si la reproduction sexuée est profondément enracinée chez les eucaryotes, les mécanismes déterminant le sexe sont extrêmement variés. « Dans les systèmes génétiquement déterminés, précise le chercheur, le contrôle du devenir cellulaire peut s'appuyer sur la présence ou l'absence de locus pour orchestrer la spécification du sexe. Ce que nous avons mis au jour est l'une des premières descriptions de mécanisme non génétique de détermination du sexe chez un eucaryote unicellulaire.» Chez Plasmodium, la différenciation sexuelle commence lorsque les parasites intra-érythrocytaires s'engagent dans une voie sexuée sous le contrôle d’un facteur de transcription. Puis les parasites progéniteurs sexuellement engagés subissent une autre étape de leur développement pour devenir gamétocyte femelle ou mâle. Sans entrer dans les détails, pour étudier précisément le rôle du gène md1 - qui est présent chez les mâles et les femelles mais dont l’activation est unique à chaque sexe - chez P. falciparum, les auteurs ont fait appel à de nombreux protocoles d’ingénierie génétique et de cartographie d’activation des gènes. Leurs résultats indiquent que la perturbation de ce gène empêche la bifurcation vers un gamétocyte mâle et l’établissent donc comme nécessaire pour la détermination des mâles. De plus si l’activation de ce gène est forcée, tous les parasites se transforment en mâles, preuve qu’il est central dans la décision cellulaire.
Le gène md1 joue le rôle de commutateur
En fait, le gène md1 peut se trouver dans deux états d’activation spécifique. « Le locus md1 se comporte comme un interrupteur qui a deux positions stables (= commutateur) : il détermine l’orientation sexuelle et garantit que le gène déterminant la voie mâle n'est pas exprimé dans la lignée femelle », affirme Arthur Talman. Etant donné le rôle central de ce gène dans la détermination sexuelle elle-même nécessaire pour la transmission des parasites aux vecteurs, md1 est clairement une cible potentielle pour des interventions visant à bloquer la transmission du paludisme.
Publication : Gomes, A.R., Marin-Menendez, A., Adjalley, S.H., Bardy, C., Cassan, C., Lee, M. C. S., & A. M. Talman. 2022. A transcriptional switch controls sex determination in Plasmodium falciparum. Nature 612, 528–533. https://doi.org/10.1038/s41586-022-05509-z
Contact science : Arthur Talman, IRD, MIVEGEC ARTHUR.TALMAN@IRD.FR
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/male-ou-fem...