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Maladie du sommeil : une stratégie alternative de lutte antivectorielle

Publié par IRD Occitanie, le 23 octobre 2023   420

Une équipe franco-camerounaise dont des scientifiques d’INTERTRYP a identifié des protéines associées à l’infection des mouches tsétsé par l’agent de la maladie du sommeil, qui sera ensuite transmis aux mammifères. Un pas de plus dans la longue lutte contre cette maladie qui sévit en Afrique. Ces travaux font partie de l’enquête mondiale sur les stratégies de contrôle vectoriel et sont publiés dans Medical and Veterinary Entomology.

Réduire la capacité d’un insecte vecteur à transmettre un agent pathogène est l’une des stratégies pour diminuer le fardeau des maladies transmissibles. Focus sur des protéines appelées à jouer un tel rôle.

Mouche tsé-tsé femelle de l’espèce Glossina palpalis gambiensis (souche Burkina Faso)

© IRD - Patrick Landmann, Vectopôle

Scientifiques contre vecteurs de la trypanosomiase africaine

Qui n’a jamais entendu parler de la « maladie du sommeil » ? Cette maladie parasitaire transmise par la non moins célèbre mouche tsétsé (aussi appelée glossine) est causée par un agent pathogène du genre Trypanosoma. Celui-ci nécessite deux hôtes pour accomplir son cycle de vie : un vertébré (dont les humains) et la glossine - hôte définitif - qui joue aussi le rôle de vecteur. Même si l’OMS déclare que la situation s’est largement améliorée grâce aux programmes de lutte et vise désormais « zéro cas » pour 2030, les populations de certains pays d’Afrique de l’Ouest et centrale sont encore exposées à ce risque. Dans la lutte contre la trypanosomiase humaine africaine (THA) et sa variante animale (TAA), tous les moyens sont bons. « A côté des stratégies traditionnelles de contrôle vectoriel– la stratégie alternative présentée dans cette étudepourrait réduire voire éliminer la compétence vectorielle de la mouche, c'est-à-dire sa capacité à transmettre le parasite aux humains et aux animaux, sans éradiquer les populations de mouches tsé-tsé, donc sans modifier la biodiversité de l’écosystème », expose Anne Geiger, biologiste à l’IRD. En effet, au sein d’une population de glossines, environ 80 % des individus sont naturellement résistants à l’infection trypanosomienne, ce qui les rend incapables de transmettre le parasite. Se pose alors la question : qu’est-ce qui différencie ces mouches résistantes de leurs voisines ? 

 pourrait réduire voire éliminer la compétence vectorielle de la mouche, c'est-à-dire sa capacité à transmettre le parasite aux humains et aux animaux, sans éradiquer les populations de mouches tsé-tsé, donc sans modifier la biodiversité de l’écosystème », expose Anne Geiger, biologiste à l’IRD. En effet, au sein d’une population de glossines, environ 80 % des individus sont naturellement résistants à l’infection trypanosomienne, ce qui les rend incapables de transmettre le parasite. Se pose alors la question : qu’est-ce qui différencie ces mouches résistantes de leurs voisines ? 

Installation de pièges à glossines au Burkina Faso

© IRD - Fabrice Courtin

Recherche de facteurs de régulation chez la mouche tsétsé

Les différences de conditions environnementales ne pouvant expliquer cette différence de compétence puisque toutes ces mouches partagent le même biotope, les scientifiques se sont tournés vers une approche moléculaire. « Il s’agit de repérer les différences entre mouches infectées et non infectées au niveau de l'expression des gènes, cette dernière étant rendue visible par les protéines codées correspondantes », explique Jean Marc Tsagmo Ngoune, premier auteur et dont c’est l’objet de sa thèse soutenue en parasitologie à l’université de Yaoundé. Les protéines exprimées en surabondance ou au contraire sous-exprimées sont supposées impliquées dans le mécanisme d’infection de la mouche par le trypanosomeet pourraient donc jouer un rôle dans la régulation du processus rendant le vecteur apte ou inapte à transmettre le parasite. Les auteurs de l’étude ont analysé le niveau de diverses protéines dans les intestins des mouches échantillonnées lors d’une campagne de piégeage réalisée dans deux foyers de THA/TAA dans le sud du Cameroun. La plupart des 1991 individus appartenait à l’espèce Glossina palpalis (sous-espèce Glossina palpalis palpalis), l’une des quatre rencontrées dans la région.

Glossine en contact avec le trypanosome

© Jean Marc Tsagmo Ngoune

Des protéines repérées à suivre de près

Parmi les 3 291 protéines extraites de l'intestin des mouches et identifiées, 236 présentaient des changements quantitatifs significatifs (abondance accrue ou réduite). « Parmi les 61 protéines présentant l’abondance la plus élevée dans les glossines infectées figuraient des enzymes considérées comme des inhibitrices des facteurs de virulence libérés par les trypanosomes », précise Anne Geiger. L’infection trypanosomienne provoque bien des modifications de certaines fonctions et voies biologiques. Ainsi, les protéines surexprimées sont associées à la réponse des mouches tsé-tsé à cette infection et pourraient devenir des cibles dans le cadre de stratégies de lutte antivectorielle alternatives. Ces résultats fournissent des données sur lesquelles s'appuyer pour mettre en place une nouvelle stratégie anti-vecteurs consistant à contrôler la compétence vectorielle de la mouche par l'intermédiaire de facteurs de régulation jusqu'ici non identifiés (gènes, protéines, voies biologiques, etc.). 


Publication : Tsagmo J. M., Njiokou F., Dziedziech A., Rofidal V., Hem S., Geiger A. 2023. Protein abundance in the midgut of wild tsetse flies (Glossina palpalis palpalis) naturally infected by Trypanosoma congolense s.l.. Medical and Veterinary Entomologyhttps://doi.org/10.1111/mve.12676

Contacts science : Anne Geiger, IRD, INTERTRYP ANNE.GEIGER@IRD.FR


Jean Marc Tsagmo Ngoune, Institut Pasteur (Paris) JEAN-MARC.TSAGMO-NGOUNE@PASTEUR.FR


Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR 

Source : https://www.ird.fr/maladie-du-...