Le troisième pôle menacé : changement climatique et fonte des glaciers
Publié par IRD Occitanie, le 11 août 2021 1k
Le changement climatique entraîne une fonte plus rapide de la neige des montagnes et un recul des glaciers dans l'Himalaya et le Karakoram. Ces effets modifient l'approvisionnement en eau des pays voisins qui dépendent des rivières prenant leur source dans ces chaînes de montagnes. Une revue de littérature, publiée dans Science par une équipe internationale de chercheurs associant l’UMR HSM et des partenaires indiens, népalais, américains, canadiens et autrichiens*, pointe les manques dans ce domaine.
Le "troisième pôle", immense étendue glaciaire qui s'étend sur 3600 km entre l'Afghanistan et la Birmanie, est menacée. Cette région de haute montagne d’Asie abrite les 14 sommets du monde dont l’altitude dépasse 8000 m, 100 000 km2 de glaciers et leurs réservoirs d’eau.
Analyser les connaissances pour appréhender les variations régionales
Dans les montagnes de l'Himalaya et du Karakoram, une grande partie de la masse de glace fond et l’importante quantité d'eau qu’elle fournit aux populations est remise en question. « À l'échelle de la région, l'impact total sur les approvisionnements en eau de chaque année varie », explique Mohd. Farooq Azam, premier auteur de l’étude et professeur assistant à l'Institut indien de technologie d'Indore. L'eau de fonte des glaciers, et donc les impacts du changement climatique sur les glaciers, sont des paramètres cruciaux dans le bassin de l'Indus alors que les bassins du Gange et du Brahmapoutre sont davantage dominés par les pluies de mousson. L'équipe de recherche a rassemblé les résultats de plus de 250 articles de recherche universitaire « pour parvenir à une compréhension plus précise sur les liens entre le réchauffement climatique, le changement des précipitations et le retrait des glaciers », déclare Jeff Kargel, coauteur de l’étude, chercheur au Planetary Science Institute (États-Unis).
Un potentiel d’amélioration pour comprendre le système
Une compréhension de la situation dans son ensemble permet d'identifier et de cibler les domaines où des recherches supplémentaires sont nécessaires. De nombreuses incertitudes subsistent en effet et elles ont été pointées : « elles concernent non seulement les observations de terrain ou les données de télédétection étendues dans l'espace et dans le temps, mais aussi les outils de modélisation et leurs hypothèses et scénarios », explique Pierre Chevallier, coauteur de l’étude, chercheur à l’UMR HSM. Parmi les lacunes et les potentiels d’amélioration identifiés, il ressort un manque de représentations précises des volumes des glaciers, une compréhension détaillée des gradients de précipitations dans la région et des études critiques sur le pergélisol, la sublimation, les émissions de carbone-suie et le rôle de la couverture de débris sur les étendues englacées.
Les montagnes, éléments clés de la variabilité climatique
Joseph Shea, professeur adjoint à l'Université du Nord de la Colombie-Britannique (Canada) et co-auteur de l'étude, souligne le rôle des montagnes elles-mêmes dans la détermination des variations climatiques de toute la région : « Les principales chaînes de montagnes de la région agissent comme une barrière géante à l'humidité transportée par la mousson et les tempêtes hivernales. En conséquence, les pentes exposées au vent sont extrêmement humides tandis que les côtés sous le vent se révèlent quasi-désertiques ». La gamme d'altitudes et l'incroyable relief topographique produisent ainsi un large éventail de microclimats en raison de l'ombrage et des gradients de température ; les bassins versants voisins peuvent réagir différemment malgré leur proximité.
Une approche multi-niveaux : observation et modélisation
Pour combler les lacunes identifiées dans cette étude, les chercheurs recommandent une approche à plusieurs niveaux : le niveau 1 comprend un réseau d'observation étendu qui place des stations météorologiques entièrement automatiques sur des glaciers sélectionnés. Ils suggèrent également de développer des projets de comparaison pour examiner la superficie et les volumes des glaciers, la dynamique des glaciers, le dégel du pergélisol et la sublimation de la neige et de la glace. Les recommandations de niveau 2 mettent en œuvre les connaissances issues de ces études dans des modèles détaillés d'hydrologie glaciaire afin de réduire l'incertitude des projections et scénarios de changements futurs.
Mohd. Farooq Azam ajoute : « Ce consensus sur la glacio-hydrologie de la région aidera les décideurs politiques à planifier de manière optimale la gestion de la demande et de l'approvisionnement en eau pour l'agriculture, l'hydroélectricité, les usages des ménages et l'assainissement dans la région. Il sera également utile aux scientifiques qui combleront les lacunes dans les connaissances grâce à leurs futures recherches ».
* Indian Institute of Technology Indore (Inde), National Institute of Hydrology (Inde), Jawaharlal Nehru University (Inde), Indian Institute of Science (Inde), Space Application Centre (Inde), International Centre for Integrated Mountain Development (Nepal), University of Dayton (Etats-Unis), Planetary Science Institute (Etats-Unis), University of Northern British Columbia (Canada), University of Innsbruck (Autriche)
Publication : Azam MF, Kargel JS, Shea JM, Nepal S, Haritashya UK, Srivastava S, Maussion F, Qazi N, Chevallier P, Dimri AP, Kulkarni AV, Cogley JG, Bahuguna IM. Glaciohydrology of the Himalaya-Karakoram. 2021. Science. eabf3668. https://doi.org/10.1126/science.abf3668
Contact science :
Pierre Chevallier, IRD, UMR HSM PIERRE.CHEVALLIER@IRD.FR
Contacts communication :
Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/le-troisiem...