La traque des pangolins, de l’Afrique à l’Asie
Publié par IRD Occitanie, le 4 novembre 2024 190
Devenus emblématiques de la crise de la viande de brousse qui sévit dans les régions tropicales, les pangolins sont consommés jusqu'à l’extinction. Le projet ANR PANGO-GO, coordonné par Philippe Gaubert (IRD, CRBE), élabore des outils génomiques innovants et applicables à la surveillance du commerce de ces animaux en danger d’extinction. Avec comme premier résultat la découverte d’une espèce asiatique inconnue.
Afin d’avoir une chance de freiner l’extinction déjà programmée des pangolins, les infrastructures impliquées dans le suivi de leur commerce doivent disposer d’informations fiables sur les espèces impliquées et les sources d’approvisionnement.
Les pangolins, mammifères au centre d’un trafic mondial
Les pangolins1 sont les seuls mammifères portant des écailles. Ecailles qui leur valent d’être braconnés et vendus pour leurs prétendues propriétés médicinales. « On estime qu'un million de pangolins ont été arrachés à la nature au cours de la dernière décennie, soit un toutes les cinq minutes », affirme le Groupe de Spécialistes du Pangolin de la Commission de la Sauvegarde des Espèces de l'UICN2. Victimes d’un commerce de grande ampleur impliquant des réseaux locaux et internationaux, les pangolins ont été récemment identifiés comme les animaux les plus impactés par le commerce de la faune sauvage. Malgré le fait que les huit espèces connues en Afrique et en Asie soient menacées d'extinction, « jusqu’ici, le commerce des pangolins est resté difficilement traçable en raison des différentes formes et sous-produits sous lesquels ils sont vendus et du manque de référentiels géographiques », affirme Philippe Gaubert, biologiste de la conservation au CRBE. Avec ses partenaires africains et chinois, il coordonne le projet PANGO-GO dédié au « Traçage du commerce local et global des mammifères les plus braconnés au monde à travers la mise au point d'outils évolutifs ».
Des outils génétiques pour tracer le commerce des pangolins
Les pangolins vivent dans les régions tropicales d'Afrique et d'Asie du Sud-Est. Jusqu’à présent, huit espèces3 réparties en trois genres sont reconnues par les zoologistes. « Nous visons à produire des ressources génomiques exhaustives pour retracer l’évolution des pangolins et constituer des registres ADN permettant de tracer l’origine géographique des animaux braconnés », explique Sean Paul Heighton, premier auteur d’une des études publiées dans le cadre de PANGO-GO. L’une d’elles, réalisée sur des produits confisqués au Sichuan (Chine), identifie le génome d’une mystérieuse espèce de pangolin encore inconnue pour la science. Même résultat pour du matériel d’une confiscation du Yunnan (Chine). L’analyse des caractéristiques des écailles et de 138 génomes complets a clairement attribué ce génome inconnu à une nouvelle espèce asiatique, ayant divergé il y a plus de 5 millions d'années du pangolin philippin et du pangolin malais. Ces résultats plaident pour la reconnaissance officielle d’une neuvième espèce de pangolin dont l’apparence exacte et la répartition restent toutefois à découvrir.
Des plaques tournantes en Afrique de l’ouest et centrale
L’équipe travaille à l’identification des meilleurs traceurs moléculaires et morphologiques pour le suivi du commerce global des pangolins. Leur approche intègre le génotypage et la modélisation des marchés avec traçage de l’origine géographique des pangolins saisis. Deux publications récentes dévoilent les réseaux commerciaux en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale pour l’espèce la plus chassée, le pangolin à ventre blanc4. « Les estimations de diversité génétique confirment que Yopougon, le principal marché de viande de brousse d'Abidjan (Côte d'Ivoire), est alimenté par un vaste réseau pouvant aller jusqu’à plus de 400 km de la capitale », révèle Philippe Gaubert. Ces distances d'approvisionnement montent à 600 km pour les grands marchés urbains du Cameroun, avec Yaoundé comme principale plaque tournante du commerce régional. Ces travaux ont également permis de donner un aperçu du statut génétique des populations. « Notre étude combinant le séquençage de l'ADN mitochondrial et le génotypage des microsatellites est la première à révéler des mélanges entre lignées évolutives de pangolins, ajoute le chercheur. Par ailleurs, la diversité génétique est plus faible dans les lignées d'Afrique de l'Ouest par rapport à celles d’Afrique centrale et les effectifs de certaines populations sont inférieures à la taille efficace minimale recommandée pour la conservation ». Ces connaissances génétiques seront essentielles pour la préservation des pangolins.
Notes :
- Du malais pengguling : qui s’enroule
- https://pangolinsg.org/fr/conservation-2/
- 4 espèces asiatiques du genre Manis, 2 espèces africaines du genre Phataginus et 2 espèces africaines du genre Smutsia
- Phataginus tricuspis
Publications :
- Din Dipita, A., Missoup, A. D., Aguillon, S., Lecompte, E., Momboua, B. R., Chaber, A. L., ... & Gaubert, P. 2024. Genetic tracing of the illegal trade of the white-bellied pangolin (Phataginus tricuspis) in western Central Africa. Scientific Reports, 14, 13131. https://doi.org/10.1038/s41598-024-63666-9
- Heighton, S. P., Allio, R., Murienne, J., Salmona, J., Meng, H., Scornavacca, C., ... & Gaubert, P. 2023. Pangolin genomes offer key insights and resources for the world’s most trafficked wild mammals. Molecular Biology and Evolution, 40, msad190. https://doi.org/10.1093/molbev/msad190
Contacts science : Philippe Gaubert, IRD, UMR CRBE philippe.gaubert@ird.fr
Gonedele Bi Sery, Université Felix Houphouët-Boigny sgonedele@gmail.com
Alain Didier Missoup, Université de Douala admissoup@ymail.com
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet communication.occitanie@ird.fr
Source : https://www.ird.fr/la-traque-d...