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La mortalité par hépatite virale E touche davantage les femmes enceintes

Publié par IRD Occitanie, le 23 décembre 2022   710

Une équipe franco-sénégalaise dont des scientifiques de TRANSVIHMI fait le point sur l’incidence de cette inflammation du foie parmi les futures mères, plus vulnérables. Leurs travaux, publiés dans la revue Viruses, apportent des données chiffrées sur 5 sites au Sénégal et identifient les facteurs de risques associés à l’hépatite virale E.

Carte du Sénégal montrant les différentes régions administratives et les routes principales. En rose : régions où l’étude a été menée.

© Dioura et al., 2022

Des épidémies régulières mais peu de recherches

Habituellement bénigne, l’hépatite E (infection d’origine virale) peut engendrer de graves complications pouvant aller jusqu’à la mort chez les personnes sensibles telles que les femmes enceintes, les personnes immunodéprimées ou ayant une maladie du foie. De plus, elle favoriserait la survenue de cancers du foie. Pourtant, malgré de récentes épidémies signalées? en Afrique et une endémicité qui touche 28 pays de ce continent (sur 54), peu d’études sont consacrées à l’incidence de cette maladie. Si le taux de mortalité admis dans la littérature scientifique va de 0,5 à 4 % d’une population donnée, ce taux grimperait à 15-25 % chez les femmes en période de grossesse, surtout pendant les derniers mois. En ce qui concerne la séroprévalence? de l’hépatite E chez les femmes enceintes, elle est de 16,19% au Bénin et de 11,6% au Burkina Faso.  « Pour connaître la réalité de la situation au Sénégal, nous avons réalisé une étude socio-démographique multi-sites auprès de 1227 futures mères doublée d’un suivi séro-épidémiologique », relate Ahidjo Ayouba, virologue à TRANSVIHMI et co-auteur de la publication.

Femme enceinte au Bénin

© IRD - Rita Saudegbee

Collaboration avec une Jeune Équipe Associée à l’IRD

Bien qu’au Sénégal, les futures mères soient globalement bien suivies, le taux de surveillance varie selon qu’elles habitent en milieu rural (50 %) ou urbain (71 %). L’étude pluridisciplinaire (virologie, biologie cellulaire et moléculaire, génétique, environnement, bioinformatique) a été menée avec la JEAI EPIVHE dédiée à l’« Environnement et épidémiologie de l'infection par le virus de l'hépatite E (VHE) chez les femmes enceintes au Sénégal ». « Grâce aux anticorps contre le VHE présents dans les échantillons sanguins, nous observons une séroprévalence de 7,8 % chez les femmes ayant participé à l’étude, explique Malick Diouara, responsable de la JEAI, avec une variabilité - allant de 0 à 10,5 % - liée aux sites, pourtant tous en milieu urbain. » Il faut rappeler que le mode de transmission est dit « oro-fécal » c’est-à-dire que le virus VHE se propage par l’eau de boisson souillée par des matières fécales. D’ailleurs, si l’hépatite E existe partout dans le monde, elle est nettement associée aux contextes de faible niveau sanitaire. L’accès à de l’eau potable et à des sanitaires appropriés sont donc des facteurs cruciaux dans le déclenchement des épidémies.

Borne fontaine, Dakar

© IRD - Seydina Ousmane Boye

Importance des paramètres sociaux et environnementaux

Sans surprise, cette variabilité des taux de présence de l’hépatite E est en partie due aux conditions sanitaires. Si dans l’ensemble, 78,4 % des femmes ont accès à l’eau potable, ce taux tombe à 37,1 % sur le site de Ziguinchor où 48,8 % des participantes n’ont pas de toilettes appropriées. D’après les réponses aux questionnaires, 90 % des femmes disent bien respecter l’hygiène des mains par contre la décontamination des fruits et légumes est moins bien observée. Mais les taux de séroprévalence ne sont pas totalement expliqués par le contexte sanitaire. « Nos données montrent que la séroprévalence est également liée au statut marital et au niveau de revenus », ajoute le virologue. Les femmes ayant peu de ressources financières sont plus souvent atteintes par le VHE. L’association entre le statut marital et la séroprévalence du VHE pourrait s’expliquer par le fait que, la population étudiée était largement constituée de femmes mariées (92%). Par la suite, il faudra réaliser le même suivi sur des sites ruraux et vérifier le statut appelé « atteinte sévère », prédicteur de mortalité à plus ou moins court terme. L’ensemble de ces résultats pourrait servir de base à une stratégie nationale de prévention à condition de prendre en compte les paramètres socio-culturels, environnementaux et comportementaux.


Publication : Diouara A. M., Lo S., Nguer C. M., Senghor A., Ndiaye H. D., Manga N. M., Danfakha F., Diallo S., Dieme M. E. F., Thiam O., Biaye B., Manga N. M. P., Thiam F., Sarr H., Lo G., Ndour M., Manga S. P., Diaby N., Dieng M., Diop I., Dieye Y., Kane C. T., Peeters Martine, Ayouba Ahidjo. 2022. Hepatitis E virus seroprevalence and associated risk factors in pregnant women attending antenatal consultations in Senegal. Viruses, https://doi.org/10.3390/v14081742

Source : https://www.ird.fr/la-mortalit...