Franceville : une mosaïque d’habitats pour les petits mammifères
Publié par IRD Occitanie, le 9 octobre 2023 470
En étudiant la répartition de rongeurs dans différents quartiers de Franceville (Gabon), une équipe franco-gabonaise montre que l’hétérogénéité de l’habitat et la présence d’espaces végétalisés permet de maintenir des espèces indigènes en ville. Ces travaux du CIRMF et du CBGP - entre autres - sont publiés dans le Journal of Zoology.
Rat noir, souris domestique, ou musaraigne, chacun trouve sa place même dans les villes. Une chance pour la biodiversité ?
Entre forêt et savane, une ville d’Afrique centrale
Dans les zones urbaines, la faune indigène est confrontée à de nombreux défis pour s'adapter aux paysages modifiés par l'homme, notamment la perte d'habitat et l'introduction d'espèces envahissantes qui entrent en compétition pour l’espace ou la nourriture. Malgré cela, de plus en plus d'études montrent que les villes peuvent abriter une certaine biodiversité. Qu’en est-il dans une ville du sud-est du Gabon ? Troisième ville du pays en nombre d’habitants, Franceville s'est développée dans les années 1960. Elle est caractérisée par une organisation spatiale diffuse composée d'îlots de savane et de forêts ainsi que de zones d'habitation humaine. Le besoin de conservation de la faune indigène dans les zones urbaines augmentant, les écologistes se penchent sur les paramètres qui influencent les communautés d'espèces. En choisissant les rongeurs, ordre de mammifères le plus abondant et le plus diversifié, présents dans tous les habitats, y compris les zones urbaines. « Nous avons donc étudié la composition et la répartition des rongeurs le long d'un gradient mettant en avant l'hétérogénéité du paysage urbain », expose Joa Mangombi écologiste microbiologiste au CIRMF. Leur hypothèse était que la préservation de l'habitat naturel résiduel ainsi que l'hétérogénéité accrue des villes pouvaient contribuer à conserver les espèces indigènes.
Les rongeurs, grands gagnants de la mondialisation
Le trafic lié à la mondialisation a favorisé les invasions d’espèces végétales et animales, dont les rongeurs, lesquelles ont un impact sur la biodiversité locale, l'économie et la santé humaine. Quelle que soit la zone géographique, de nombreuses études mettent en évidence un changement dans la composition et la répartition des rongeurs en faveur des espèces introduites en milieu urbain car elles sont mieux adaptées aux environnements fortement modifiés par l'Homme. Pour en avoir le cœur net, l’équipe franco-gabonaise a lancé plusieurs campagnes de piégeage de rongeurs dans des maisons de six quartiers de Franceville ainsi que dans la végétation du centre-ville et en périphérie de la ville. L’élaboration de cartes d'utilisation des terres a révélé la répartition disparate des principaux éléments tels que la forêt, la savane et les bâtiments. Certains quartiers présentant des proportions plus élevées de tel ou tel élément par rapport à d'autres. Des noix de palme et du beurre de cacahuète en guise d'appât ont permis de capturer 832 petits mammifères (454 à l'intérieur des habitations ; 325 à l'extérieur ; 53 dans les îlots de végétation). « Les rongeurs identifiés morphologiquement au CIRMF appartenaient à au moins 13 taxonsdifférents, ce qui montre une grande diversité pour moins de 1000 animaux capturés », ajoute la chercheuse.
Le rat noir s’impose mais les espèces indigènes résistent
Considérant les trois types d'habitats analysés, les abondances relatives des petits mammifères n'ont montré aucune différence significative. Cependant les rongeurs introduits, le rat noiret la souris grise, n'ont pas été capturés dans l'habitat végétal alors que la plupart des espèces indigènes ont été trouvées dans tous les habitats échantillonnés. Le rat noir était le rongeur le plus capturé (485), suivi par des musaraignes (103), une espèce indigène, la souris pygmée(70) puis par la souris grise (58) et d’autres espèces indigènes. L'échantillonnage comprenait également des espèces indigènes rares. Les rongeurs introduits sont plus abondants dans l'habitat intérieur et absents de l'habitat végétal, tandis que les rongeurs indigènes sont plus abondants dans l'habitat végétal qui constitue leur environnement naturel. Sans surprise, l'indice de diversité est plus élevé dans l'habitat végétalisé que dans les autres. Au final, même si le rat noir est plus agressif et plus gros que la plupart des espèces indigènes qu’il supplante en cas de compétition dans un habitat donné, ces dernières peuvent subsister dans les espaces plus végétalisés. « Nos travaux montrent l'importance des vestiges végétaux en ville pour le maintien des espèces indigènes. La préservation de l'habitat végétal favorise la conservation de ces espèces, réduisant les impacts de l'urbanisation sur les écosystèmes », concluent les auteurs de l’étude.
Publication : Mangombi-Pambou J. B., Fossati O., N'Dilimabaka N., Mve-Ella O. B., Pendy N. M. L., Dibakou S. E., Mediannikov O., Fenollar F., Leroy E., Bourgarel M. 2023. Habitat mosaic as a driver of the resilience of native species : the case of the assemblage of small mammals from the city of Franceville, Gabon. Journal of Zoology, https://doi.org/10.1111/jzo.13063
Contacts science : Joa Mangombi-Pambou, Centre Interdisciplinaire de Recherches Médicales de Franceville (CIRMF), Franceville, Gabon JOA.MANGOMBI@GMAIL.COM
Odile Fossati, IRD, CBGP ODILE.FOSSATI@IRD.FR
Contacts communication : Fabienne Doumenge, Julie Sansoulet COMMUNICATION.OCCITANIE@IRD.FR
Source : https://www.ird.fr/franceville...