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Anna Cohuet : favoriser l’équité et la diversité dans nos activités quotidiennes

Publié par IRD Occitanie, le 28 mars 2023   570

Directrice de recherche à MIVEGEC, Anna Cohuet est entomologiste médicale. Elle étudie principalement les interactions entre les parasites responsables du paludisme et leurs moustiques vecteurs. Elle est membre du comité de pilotage égalité professionnelle de l’IRD où elle représente le conseil scientifique de l'Institut. 

« Je veux être optimiste sur les questions de genre car, avec l’impulsion de lois et les incitations de bailleurs de fonds, d’une part, et une volonté de la majorité des acteurs et actrices de la recherche d’autre part, le milieu scientifique évolue », Anna Cohuet

Anna Cohuet

© Bertrand Lelievre

Quel parcours vous a amené à prendre les fonctions que vous avez aujourd'hui ?

Il est bien possible que mon envie de devenir chercheuse soit née avec le dessin animé « Il était une fois la vie ». Je ne devais pas avoir 10 ans mais j’étais fascinée de percevoir comment le vivant pouvait fonctionner ! Plus tard, j’ai suivi un parcours universitaire en biologie puis microbiologie. J’étais intéressée par les maladies infectieuses et les pays du Sud, alors quand j’ai découvert l’IRD j’ai cherché à y faire ma thèse. Celle-ci a porté sur les moustiques vecteurs du paludisme au Cameroun. Après un post doctorat en Allemagne, j’ai eu la chance d’être recrutée.  Aujourd’hui je mène des recherches sur l’écologie des interactions entre les parasites responsables du paludisme et leurs moustiques vecteurs avec pour objectif de contrôler la transmission des pathogènes.

Animation d'un Club Jeunes d'un lycée de Bobo Dioulasso, Burkina Faso

© Diasso Arzouma

L’égalité femmes-hommes, comment l'interprétez-vous dans le milieu scientifique ?

Comme dans l’ensemble de la société, elle n’est pas acquise et il faut des actes concrets et continus pour qu’elle progresse encore. Comme ces questions me tiennent à cœur, je m’y investis : dans l’association Femmes et Sciences en participant, par exemple, à l’organisation d’un programme de mentorat pour les doctorantes ; à l’IRD, je suis membre du comité de pilotage égalité professionnelle où je représente le conseil scientifique ; enfin au sein de mon unité dans laquelle un groupe de travail organise des actions simples pour favoriser l’équité et la diversité dans nos activités quotidiennes.  Malgré certains freins, je veux être optimiste car avec l’impulsion de lois et les incitations de bailleurs de fonds, d’une part, et une volonté de la majorité des acteurs et actrices de la recherche d’autre part, le milieu scientifique évolue. De plus, la jeune génération est très affutée sur les questions de genre, je lui fais confiance pour faire progresser encore l’équité et l’inclusion dans nos instituts et dans la société.

Technique RNAi sur moustiques vecteurs du paludisme au Cameroun

© Isabelle Morlais

Avez-vous un exemple - dans votre vie professionnelle ou celle d’une proche - qui pourrait illustrer la notion d'empowerment des femmes ?

La présence de femmes plus nombreuses aux postes de responsabilité est un changement majeur de ces dernières années. Il y a encore 5 ans, nous étions résignées à ne voir presque que des hommes en haut des organigrammes : une inégalité criante exposée au jour le jour. Ce changement était urgent et indispensable. Il prête pourtant encore à réactions. Il y a quelques temps, j’étais dans un avion et la commandante de bord s’est présentée. Je me suis dit que je pouvais être plus sereine que jamais, elle devait être une pilote hors pair pour avoir eu ce poste. Mon voisin, lui, a fait une remarque sur l’inconfort du vol auquel il s’attendait. Nous avions tous les deux des attentes, certes différentes, mais spécifiques parce qu’une femme nous conduisait. J’espère qu’il deviendra vite banal d’être dirigé par une femme et qu’on n’y prêtera plus d’attention particulière.

Collecte de larves de moustiques vecteurs du paludisme au Cameroun

© Antinio Mendes

Pensez-vous que la place des femmes dans la science est en train d’évoluer dans le bon sens ?

Oui, clairement, sur des indicateurs qui ont fait l’objet d’attention depuis quelques années, comme par exemple la parité dans les jurys et commissions, les recrutements, promotions et avancements. Ces progrès ont pour effet de réduire le fossé, sans encore le combler, entre les carrières des femmes et des hommes et sont la preuve que les choses peuvent évoluer. Reste la partie cachée de l’iceberg, sur laquelle l’attention est plus récente, comme les violences sexistes et sexuelles, la considération des inégalités pour le personnel non permanent, dans le travail en partenariat … Avec l’attention actuellement portée sur ces diverses facettes des inégalités, la place des femmes en science n’a pas fini de progresser !

Anne Cohuet en conférence

© Maurine Villiers

Pour vous, qui ou quels sont les alliés nécessaires pour faire avancer l’égalité de genre ?

La communication, la formation. On est baignés au quotidien dans des stéréotypes de genre, parmi d’autres, alors apprendre à identifier les raccourcis qu’on utilise toutes et tous est non seulement passionnant mais également une vraie révélation sur les discriminations qu’on peut perpétrer, souvent inconsciemment. C’est la première étape pour y remédier.

Quelle émotion est votre moteur ?

La curiosité. Le métier de chercheuse est une aubaine pour apprendre tout au long de sa carrière, on ne s’ennuie jamais !