Etre femme aujourd'hui : un long chemin vers l'égalité [Saison 3 -1/2]
Publié par Claire Adélaïde Montiel, le 14 mai 2020 1.4k
Parmi l’arsenal des lois destinées à instituer l’égalité entre hommes et femmes, Les lois sur la parité jugées nécessaires par tous ne sont opérantes qu’en partie.
La France, pays des Droits de l’Homme, a été obligée de mettre en place ces lois contraignantes mais malgré cela, à l’Assemblée Nationale, il n’y a que 5 à 10 % de femmes.
La parité n’est pas davantage respectée dans l’enseignement supérieur. Stéphanie Arc en fait état, « les femmes demeurent minoritaires numérique puisque toutes disciplines et tous grades confondus, on compte environ une femme pour deux hommes parmi les chercheurs et les professeurs de l’enseignement supérieur… Force est de constater que, dans le secteur scientifique… un chercheur sur trois seulement est une chercheuse. »[1]
D’autre part, l’accès à la reconnaissance et aux honneurs est encore bien loin d’être égalitaire. En proportion, les femmes reçoivent infiniment moins de récompenses que les hommes du même niveau. D’après la sociologue Catherine Marry, « quelle que soit l’ampleur de la féminisation à la base, celle du sommet résiste. Le monde académique n’échappe pas au plafond de verre qui pèse sur la carrière des femmes. Autrement dit, dans toutes les disciplines, leur part s’étiole au fil de la hiérarchie des grades, des honneurs, des responsabilités et des rémunérations »
Cet état de fait se traduit également dans les ouvrages répertoriant les célébrités. Dans le dictionnaire biographique des savants édité en Angleterre avant 1972, sur 966 entrées, on compte 6 femmes : Hypatie, Maria Agnesi, Sophie Germain, Mary Somerville, Sofia Kovaleskaya, Emmy Noether. Un choix qui n’est pas à contester mais un nombre de femmes émérites ne correspondant en rien à la réalité.
C’est un peu mieux pour les prix Nobel même si la proportion de femmes primées reste insignifiante. Jusqu’en 2011, les Nobel ont en effet récompensé 786 hommes et 44 femmes soit à peine 6%.
Enfin il faut attendre 2014 pour qu’une première femme se voit attribuer la médaille Fields en récompense de ses recherches mathématiques. Il s’agit de Mariam Mirzakhani, une Iranienne de 37 ans.
Il arrive souvent que les travaux des femmes ne soient pas reconnus pour diverses raisons et qu’elles soient spoliées de leurs découvertes par leurs collègues masculins.
Lise Meitner, jeune femme juive, a participé à la découverte de la fission nucléaire avec l’allemand Otto Hahn. Il a eu le prix Nobel pour cette découverte, elle n’a pas même été mentionnée. Même injustice avec Rosalind Franklin, britannique spécialiste de la diffraction aux rayons X. Elle découvre les fondements de la structure moléculaire de l’ADN. Wilkins, son collègue de travail s’empare de ses notes, de ses clichés, et fait état de ses recherches sans la nommer. Wilkins, Watson et Grick décrochent, en 1962, le Nobel de médecine pour cette découverte, mais comme elle a eu le mauvais goût de mourir en 1958, aucun de ses collègues ne la cite. Chien Shiung Wu, américaine née en Chine démontre l’asymétrie droite-gauche dans certains phénomènes nucléaires. Elle participe aux travaux de Tsing Dao Lee et Chen-Ning Franklin Yang mais ne partage pas leur prix Nobel, reçu en 1957.
Ce ne sont que quelques cas, il y en a bien d’autres mais il serait trop facile d’incriminer les hommes quand c’est l’Institution elle-même, par sa politique de discrimination, qui crée ces différences.
Malgré tous les efforts déployés depuis des siècles par les femmes et par des hommes éclairés, la discrimination reste la règle. Criante dans certains pays où les femmes vivent une soumission absolue, plus feutrée ailleurs, mais quand c’est l’Institution elle-même qui crée la différence entre les sexes, la conclusion s’impose d’elle-même : si l’on veut lutter contre cet état de choses, ce sont les mentalités qu’il convient de changer.
Il appartient aux femmes de de changer leur positionnement. Le positionnement des femmes, c’est celui que leur éducation les a dressées à adopter. Depuis toujours, elles ont traduit les écrits des hommes, mis au propre, corrigé les épreuves, complété le travail de leur époux ou d’un collègue. Elles ont accepté en toute ingénuité d’être confinées dans ce rôle subalterne. Moins ambitieuses, à part quelques exceptions notoires, moins douées pour la compétition, plus aptes à reconnaître les apports de leurs partenaires dans leurs recherches, elles partent avec une série de handicaps qui les pénalisent dans cette course de fond qu’est la conquête de la notoriété.
Ajoutons à cela que, si elles se montrent souvent capables d’apporter un regard neuf, moins mécaniste et plus imaginatif que leurs compagnons masculins, elles ont le plus souvent, au cours de l’histoire agi comme transmetteuses de savoirs ainsi que le souligne Jean-Pierre Poirier dans son livre : Histoire des femmes en France.
A ce stade on pourra, avec profit, inciter nos contemporaines à faire leur la parole de James Arthur Baldwin, écrivain noir américain qui, après un long séjour en France, est reparti dans son pays pour lutter contre la double exclusion dont les noirs et les homosexuels faisaient l’objet :
« Ne laissez pas aux autres le soin de dire qui vous êtes. Dites-le vous-même »
[1] Le Journal du CNRS, supplément duN°142, mars 2010. Le long chemin vers l’égalité, VII