Rencontre avec une femme de science : Angie Molina

Publié par Morgane Bouterre, le 8 mars 2016   3.7k

Mardi 8 mars 2016 , journée internationale de la Femme !!

Tiens justement il y a quelques semaines, j'ai eu l'occasion de rencontrer Angie Molina chercheuse au centre de biologie et de développement de l'Université Paul Sabatier de Toulouse, ayant récemment reçue une des 20 Bourses L'Oréal-Unesco, pour Les Femmes et la Science, pour son projet de Recherche axé sur l'observation des cellules-souches neurales dans l'espoir de traiter les lésions de la moelle épinière.

Une distinction qui a fait couler beaucoup d'encre et qui a attisé ma curiosité. Je suis donc allé à la rencontre de cette chercheuse afin de découvrir plus en profondeur les dessous de sa vocation et de son travail pour Echosciences.

[Flash Back : Angie Molina, née en Colombie se passionne rapidement pour les sciences et entame des études dans la biologie. Suite à un stage en immunologie réalisé dans un laboratoire près de Metz mais également à l'obtention d'une thèse à l'Institut Cochin (Paris) sur le rôle de la protéine ATIP3 dans la formation de métastases du cancer du sein, Angie décroche un contrat de deux ans au Centre de biologie et de développement (CNRS/Toulouse III Paul-Sabatier) ]


Penses-tu que c'est une vocation qui est à la base de ton choix de carrière ? ?

Comme pour la plupart des jeunes au lycée, je ne savais pas quoi faire. J’ai eu l’idée de la danse, puis de la médecine. En y réfléchissant de plus près je voyais la médecine peut être d’une manière trop fermée. Je m'imaginais un médecin généraliste qui attendait ses patients dans son cabinet... Ça manquait de challenge pour moi !!

Du coup, je me suis intéressée aux autres carrières scientifiques et c'est là que j'ai découvert la biologie. Et voilà que je me lance dans cette aventure en m'inscrivant à la faculté de Bogota en micro-biologie.

Pas forcément une vocation donc. Mais en tout cas une passion ?

Au fil des années d’études et surtout en passant de longues heures dans le laboratoire à étudier les phénomènes biologiques, je me suis moi-même surprise à découvrir que j'adorais observer le fonctionnement biologique du corps humain, je n'arrêtais pas de regarder les cellules bougées. Ce qui me passionne c'est véritablement de comprendre comment le corps fonctionne, d'étudier les maladies et de découvrir les pathologies.


Pourquoi avoir choisi la France ?

J'ai eu l'opportunité de pouvoir faire un stage en immunologie durant mon année de master, ce n’était pas obligatoire, mais je me suis lancée. J'ai donc débarqué en France en août 2006 pour 7 mois et j'ai découvert .... la neige !!!! [RIRE]

Ma première expérience française a été très enrichissante, j'ai autant appris sur les traditions françaises que sur les techniques en biologie surtout grâce à l’instrumentation de pointe qui est moins accessible en Colombie.

La France apporte-t-elle à la Recherche des moyens différents par rapport à la Colombie ?

L’Etat investit plus d’argent pour la science que la Colombie. Cet investissement permet aux labos d'être ultra rapides en ce qui concerne l'achat du matériel ou des réactifs par exemple.

C’est ce que j’ai trouvé génial en France ! Si tu commences une expérience et que tu t’aperçois qu’il te manque un réactif en un coup de téléphone tu peux le commander pour qu’il arrive dès le lendemain dans ton labo. Ça facilite beaucoup de choses !


Qu'en est t-il de la place des femmes dans la Recherche, as-tu noté une différence par rapport à la Colombie ?

Au niveau de la parité, c’est complètement égal, que cela soit en Colombie comme en France. Il y a autant de femmes que d’hommes dans les filières en biologie, hormis en ce qui concerne les sciences dures qui sont plus largement fréquentées par les garçons en Colombie... Mais à mon arrivée en France, je me suis rendu compte que c'est aussi le cas.

Je pense que les filles ont peut-être plus d’aprioris à entamer une carrière en maths ou en physique mais ça me surprend encore un peu, car je pense sincèrement qu'elles ont les mêmes capacités pour réussir dans ces domaines là.

Et depuis la Bourse L'Oréal, qu'est-ce qui a changé pour toi ?

J’ai été surprise d'apprendre la nouvelle en juillet dernier à un moment où je ne l'attendais plus du tout. Pour la petite anecdote, l'organisation de la Bourse L'Oréal en me prévenant de ma réussite m’ont également demandé si j’acceptais de bien recevoir la bourse... comme si cela n’était pas évident ! [RIRE]

Beaucoup de choses ont changés depuis pour moi. Déjà au niveau professionnel , cette bourse va me permettre de participer à des congrès mais aussi de vulgariser mon travail. Je vais pouvoir rencontrer davantage d’experts pour discuter de mes études, voir si j’emprunte le bon chemin, si mes hypothèses sont bonnes, ce sera également plus facile de publier et de participer à des congrès internationaux par la suite.

L'obtention de cette bourse a également changé beaucoup de choses d'un point de vue plus personnel. En tant que scientifique on est plus souvent derrière notre paillasse que " sous le feu des projecteurs ". Les interviews, les articles de presse, les photos, c’est assez déroutant au début et c'est surtout difficile d'adapter notre discours à des non-scientifiques. C’est d’ailleurs un très bon exercice !

Et la vulgarisation scientifique dans tout ça ? Penses-tu pouvoir susciter des vocations ?

Grâce à la bourse je vais avoir l'opportunité de me rendre dans des lycées de la région pour parler des carrières scientifiques aux jeunes filles. Je pense que c’est véritablement un exercice que tout scientifique devrait s'obliger à faire, ce qui permettrait d'ailleurs de désacraliser les métiers scientifiques surtout du point de vue des jeunes.

En plus, ce genre d'intervention à large échelle pourra casser les stéréotypes en montrant que les femmes sont autant capables que les hommes. Que la Recherche scientifique est largement possible et réalisable tant que l'envie est là.

Et c'est grâce au travail conjoint des scientifiques et des nombreuses associations comme Femmes & Sciences, que nous verrons, j'en suis sûre, très prochainement les résultats de toutes ces démarches de vulgarisation auprès des filles.

Penses-tu qu'Echosciences pourrait être un outil utile pour des scientifiques comme toi pour se rapprocher du grand public ?

Oui !!! Ça pourrait vraiment être intéressant. Ça permettrait d’avoir un regard extérieur sur ce que tu fais, même par des personnes non-scientifiques. Ça pourrait vraiment donner des idées, des pistes de réflexions qui peuvent permettre de prendre du recul sur le travail.

Parfois on est tellement centrés sur nous-même qu'on a du mal a sortir de notre laboratoire, Echosciences permettrait vraiment de prendre un peu de hauteur sur tout ça et, par la même occasion de pouvoir vulgariser nos découvertes et d'avoir un retour sur celles-ci!

Je remercie Angie de m'avoir si gentiment accueilli. Quoi de mieux que la Journée des Femmes pour faire découvrir sa passion et son travail pour les sciences !!!